RICE ou PEACE & LOVE :
Quelle méthode après une blessure aiguë ?
Vous venez de vous tordre la cheville en courant ? Ou de trébucher sur un chemin irrégulier lors d’une balade estivale ? Votre premier réflexe, comme pour beaucoup, sera probablement d’appliquer la méthode RICE. Mais est-ce encore la meilleure solution ?
Spoiler : pas forcément. On vous explique pourquoi et surtout ce que vous pouvez faire de mieux pour favoriser une récupération optimale.

RICE : la méthode classique, mais dépassée ?
Développée en 1978, RICE (Rest, Ice, Compression, Elevation) a longtemps été la référence pour traiter les blessures aiguës des tissus mous, muscles, tendons, ligaments. L’objectif : réduire la douleur et l’inflammation, en suivant ces étapes :
- Rest (Repos) : éviter d’utiliser la zone blessée.
- Ice (Glace) : appliquer du froid pour diminuer douleur et enflure.
- Compression : bandage pour limiter le gonflement.
- Elevation : surélever la zone pour favoriser le drainage.
Cette approche a ensuite évolué en PRICE (ajout de la protection) puis en POLICE (remplacement du repos strict par une charge optimale). Mais toutes ces méthodes ont un point commun : elles misent sur la réduction de l’inflammation.
Et c’est là que le débat commence…
Il n’existe pas suffisamment d’évidence scientifique pour soutenir l’efficacité de RICE. L’argument principal contre cette méthode est qu’elle se concentre sur la réduction de l’enflure, ce qui, en théorie, pourrait inhiber le processus de guérison.

Mais... Pourquoi ?
La glace aide à réduire l’inflammation, mais pour que la guérison ait lieu, notre corps a besoin de l’inflammation.
Voyons comment fonctionne la guérison des tissus :
1. Phase inflammatoire : C’est la première réaction du corps après une blessure. Vous pouvez ressentir de la chaleur, de la douleur, voir une rougeur, un gonflement, et avoir des difficultés à solliciter la zone blessée. C’est la façon dont le corps protège et commence à réparer la lésion.
2. Phase de prolifération : Le corps commence à « reconstruire » le tissu endommagé. Les cellules créent un nouveau tissu, mais au début, il est un peu désorganisé, comme un « pansement » naturel que le corps fabrique pour aider à la guérison.
3. Phase de remodelage : Le tissu créé précédemment devient plus fort et mieux organisé. Les fibres musculaires se renforcent et les cicatrices se réorganisent. Cela peut prendre des mois, voire des années, selon la gravité de la blessure.
Bien que la glace puisse efficacement contrôler la douleur et réduire le gonflement, son utilisation peut entraver le processus naturel de guérison des tissus mous en ralentissant l’inflammation. En réalité, un gonflement de courte durée est considéré comme bénéfique car il favorise la revascularisation et la réparation cellulaire.

Pourquoi la glace n’est pas toujours votre alliée
L’inflammation est souvent vue comme l’ennemi. Pourtant, elle est essentielle à la guérison ! Voici comment notre corps répare une blessure :
- Phase inflammatoire : le corps envoie du sang, des cellules immunitaires et des signaux de réparation. Résultat : chaleur, douleur, gonflement.
- Phase de prolifération : création d’un tissu de réparation, un peu désorganisé au début — une sorte de « pansement biologique ».
- Phase de remodelage : le tissu devient plus résistant et structuré. Ce processus peut durer plusieurs mois.
➡️ En bloquant l’inflammation (avec trop de glace ou d’anti-inflammatoires), on ralentit potentiellement cette cascade naturelle de réparation.
PEACE & LOVE : la nouvelle approche complète et fondée sur les preuves
Les professionnels de la rééducation recommandent désormais PEACE & LOVE, une méthode moderne et globale pour prendre soin des blessures des tissus mous. Ce nouvel acronyme intègre à la fois la prise en charge immédiate (PEACE) et la guérison à long terme (LOVE).
PEACE (immédiatement après la blessure) :
- P – Protection : Il est conseillé de protéger une blessure aiguë pendant 1 à 3 jours. La douleur sera votre guide ici. Il est initialement recommandé d’éviter les activités qui provoquent de la douleur durant les premiers jours après la blessure afin de réduire le risque d’aggravation de celle-ci.
- E – Élévation : Il est recommandé d’élever le membre blessé au-dessus du niveau de votre coeur (donc s’asseoir à votre bureau avec votre cheville enflée sur un tabouret ne compte pas).
- A – Avoid anti-inflammatories : Les médicaments anti-inflammatoires, surtout à fortes doses, peuvent nuire à la guérison à long terme des blessures des tissus mous. Eviter de mettre de la glace.
- C – Compression : Utiliser une bande élastique ou bande adhésive/tapping afin de limiter le gonflement.
- E – Education : C’est là que nous, les physiothérapeutes, intervenons ! Établir des attentes réalistes et comprendre qu’une approche active, par rapport à une dépendance uniquement sur des traitements passifs (les traitements manuels, l’acupuncture, les électrothérapies, etc.) peut aider à long terme..
LOVE (pour une récupération durable) :
- L – Load (charge) : Augmentation progressive de la charge de travail sur le corps, que ce soit par le biais d’exercices progressifs, de poids ou de résistance. L’introduction d’une charge et d’un stress mécanique, lorsque les symptômes le permettent, favorise la réparation et le remodelage nécessaires des tissus tout en améliorant la tolérance et la résilience des tissus.
- O – Optimism : La peur et le catastrophisme sont associés à des récupérations prolongées et à une augmentation de la douleur. L’optimisme, en revanche, est associé à un meilleur pronostic. Le pouvoir de la pensée positive est vraiment très utile !
- V – Vascularisation : L’exercice aérobie augmente le flux sanguin vers une blessure, favorisant ainsi la guérison. Il est conseillé de commencer des activités cardiovasculaires indolores quelques jours
après une blessure aiguë. Bonus : le cardio a même été associé à une réduction du besoin d’analgésiques dans les cas de douleurs musculo-squelettiques. - E – Exercise :La recherche soutient largement l’exercice dans le traitement des lésions des tissus mous. Les avantages de l’exercice pour la gestion des lésions des tissus mous comprennent l’amélioration de la mobilité, de la force et de l’équilibre à la suite d’une blessure aiguë.

En résumé
Bien que RICE ait longtemps été considéré comme le traitement de référence, les connaissances actuelles soulignent que l’inflammation contrôlée est une alliée, pas un ennemi. Le protocole PEACE & LOVE offre une approche plus équilibrée, fondée sur la science, qui encourage le mouvement, l’adaptation, et une récupération proactive.
Alors, on jette la glace ?
Pas tout à fait. Elle reste utile dans certains cas aigus ou très douloureux, surtout si le gonflement devient problématique. Mais dans la majorité des situations, le repos total et le froid excessif ne sont plus la priorité.
👉 Conseil de pro : en cas de doute, consultez un(e) physiothérapeute. Un accompagnement adapté dès les premiers jours peut faire toute la différence.
Bibliographie :
• Dubois, Blaise, and Jean-Francois Esculier. « Soft-tissue injuries simply need PEACE and LOVE. » British journal of sports medicine 54.2 (2020): 72-73
• Van Den Bekerom, Michel PJ, et al. « What is the evidence for rest, ice, compression, and elevation therapy in the treatment of ankle sprains in adults?. » Journal of athletic training 47.4 (2012): 435-443.
• Scott, A., Khan, K. M., et al. (2004). What do we mean by the term “inflammation”? A contemporary basic science update for sports medicine. British Journal of Sports Medicine. 38, 372–380.
• Hubbard TJ, et al. Does Cryotherapy Improve Outcomes With Soft Tissue Injury? J Athl Train. 2004;39(3):278-279.