La clinique des artistes
Zoom sur les musiciens :
ces sportif-x-ves de haut niveau négligé-x-es
Ce mois-ci, on a décidé de mettre en lumière les artistes ! Et pas n’importe lesquel-les : les musicien-nes professionnel-les !
Ces artistes sont de vrais sportif-x-ves de haut niveau, mais ils/elles sont rarement considéré-es comme tel-les. Et pourtant, quand on regarde leur niveau de pratique, le nombre d’heures passées sur leur instrument et l’exigence du geste musical, on se rend compte qu’ils/elles ont autant besoin d’accompagnement que les athlètes de niveau olympique. Malheureusement, sur le terrain, très peu de musicien-nes sont réellement suivi-x-es de manière interdisciplinaire et régulière, comme c’est le cas pour les athlètes qui, en général, ont toute une équipe autour d’eux : médecin, préparateur physique, physiothérapeute, massothérapeute, psychologue, etc.
Qu’est-ce qui explique cela ? Quand on interroge les musicien-nes sur leur parcours pour devenir professionnel-le, on réalise qu’à très peu de moments dans leurs études, il n’y a de cours ou d’informations sur l’aspect physique et psychologique de la profession. Ils sont laissés face à eux-mêmes. En réalité, ce qui les amène à un moment donné à consulter, c’est souvent l’apparition d’une blessure ou d’un mal-être. Il y a un manque cruel de prévention dans les écoles de musique !
La pratique régulière d’un instrument nécessite pourtant une grande maitrise du corps : le musicien doit s’adapter en permanence à la forme de ce dernier…
Prenons l’exemple de la pratique du violon:
Cet instrument vient se poser généralement entre la clavicule gauche et le menton. C’est là que l’asymétrie commence : l’artiste est obligé-e d’incliner et de tourner la tête à gauche, pour maintenir le violon sur l’épaule, qui, elle, devra rester la plus stable possible. Cela entraine une activation des chaines croisées, un raccourcissement des tissus mous du cou avec un risque accru de sténose du côté gauche : toutes les structures du bras sont impactées et cela peut endommager la capacité de la main à bien fonctionner. Pourtant, cette main demande une dextérité impeccable pour pouvoir diriger les doigts et poser chaque phalange sur la note exacte !
La rotation de la tête vers l’instrument entraine finalement tout le corps vers la gauche, ce qui se traduit souvent, dans la colonne, par une attitude type scoliotique. N’oublions pas le bras droit, celui de l’archet, qui est celui du mouvement. La maitrise commence dans la stabilisation de l’épaule et finit au cinquième doigt, qui permet à lui seul de faire le contrepoids de l’archet.
Tout cela change évidemment en fonction de si le/la musicien-ne joue debout ou assis-x-e. A nouveau, en fonction du contexte, l’artiste devra s’adapter. Dans les orchestres par exemple, la plupart d’entre eux sont assis-x-es sur une chaise toute la durée des répétitions et concerts.
Vous l’aurez compris, la pratique du violon n’est pas simple pour le corps, qui devient finalement le premier « instrument » à maitriser. Bien-sûr, il existe des adaptations pour contrer les effets néfastes de la position de la tête comme par exemple la mentonnière ou l’épaulier. Mais ce n’est généralement pas suffisant car c’est le corps entier que le/la musicien-ne devra adapter au violon.
C’est là que notre belle profession peut intervenir : le but sera d’accompagner l’artiste de façon régulière pour entretenir les muscles et les articulations dans la pratique de l’instrument. Mais aussi de lui offrir des exercices spécifiques adaptés à son geste musical.
Lien entre la posture et la respiration
Un autre aspect important est celui du lien entre la posture et la respiration : la position du corps influence directement la façon dont on respire. Le muscle clé étant le fameux diaphragme : vous savez, ce « piston » qui monte et qui descend pour nous permettre d’inspirer et d’expirer. Pour fonctionner correctement, ce dernier a besoin de place entre les côtes et le bassin. Sa course peut atteindre jusqu’à 10cm lorsqu’on lui permet de bouger !
Une simple rotation/inclinaison/flexion du tronc peut compromettre son bon fonctionnement. Or le diaphragme ne fonctionne pas seul : il travaille de pair avec tout le plancher pelvien ainsi qu’avec les abdominaux profonds, notre « core stability» : lorsque l’on inspire, le diaphragme descend, le périnée aussi, et les abdominaux se détendent pour laisser le ventre sortir. A l’expiration, tout remonte : le périnée, le diaphragme et le ventre rentre par action des abdominaux en cas d’expiration prolongée. Le travail en synergie de tous ces muscles profonds devient primordial pour le/la musicien-ne qui doit à la fois gérer la mobilité des membres supérieurs avec la stabilité du tronc. C’est là que les approches posturo-respiratoires de type Pilates ou APOR De Gasquet interviennent : elles apprendront à ces athlètes à maitriser les muscles de la stabilité. Plus le centre du corps est stable, plus les membres seront performants dans le geste musical.
Il est prouvé qu’un musicien qui prend soin de son corps verra une différence sur sa qualité de jeu et la longévité de sa carrière professionnelle.
Alors, à tous nos artistes en musique, sortez vos tapis, il est temps de prendre soin de vous !
Karin
Image tirée de Dr Bernadette de Gasquet, Mon programme Coaching sans dégâts, Hachette Livres: Marabout (2019)