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Le jeûne intermittent est-il réellement efficace dans la perte de poids ?

Introduction

L’obésité et le surpoids font partie des crises sanitaires majeures de notre époque. L’obésité dans le monde a presque triplé depuis 1975, 39% des adultes âgés de plus de 18 ans étaient en surpoids et 13% étaient obèses en 2016 selon la classification de l’indice de masse corporelle (IMC) (Organisation mondiale de la santé [OMS], 2018). Il est aujourd’hui admis que ces pathologies augmentent le risque de développer un certain nombre de maladies aiguës et chroniques (Durrer Schutz et al., 2019), telles que les maladies cardiovasculaires comme le diabète de type 2.

Les approches de gestion du poids comprennent un large éventail d’interventions sur le mode de vie et de l’alimentation qui ont toutes un point commun : le déficit énergétique ou calorique. Ce dernier consiste à avoir un apport énergétique amené par les aliments et les boissons inférieur à la dépense énergétique du corps. Il a été démontré qu’une perte de poids d’environ 5-7% chez les personnes obèses permettaient de réduire le risque jusqu’à 58% de développer un diabète de type 2 et de réduire la concentration de certains paramètres sanguins, tandis que pour d’autres paramètres sanguins une réduction de 10% du poids est nécessaire pour observer une amélioration (Ryan and Yockey, 2017 ; Magkos et al., 2016).

Il existe une multitude de régimes alimentaires mais leur efficacité est discutable. L’efficacité d’un régime ne se mesure pas uniquement à l’intensité du déficit énergétique -et donc potentiellement une perte de poids plus rapide- mais elle se mesure également selon d’autres facteurs : la préservation de la masse musculaire, la durabilité dans le temps et l’impact sur le comportement (Alhamdan et al., 2016).

Le jeûne est aujourd’hui un des régimes en vogue car il aurait des bénéfices non seulement sur la perte de poids mais également sur le vieillissement, le cancer, l’inflammation et la neurodégénérescence selon certaines études sur les animaux (Longo & Mattson, 2014).

Néanmoins, il n’existe jusqu’à ce jour aucune étude de haute qualité sur l’humain pouvant prouver ces dernières vertus, néanmoins plusieurs données sont disponibles dans la littérature concernant le lien entre le jeûne et la perte de poids, ainsi que les paramètres sanguins en découlant.

Le jeûne intermittent

Le jeûne intermittent (IF for intermittent fasting) consiste en des périodes de restriction de l’apport énergétique ou de jeûne (jeûne absolu ou consommation d’environ 400-600kcal/jour ou jusqu’à 25 % des besoins énergétiques), interchangées par des périodes d’apport énergétique ad libitum (= à volonté, au choix) sur des périodes sans restriction (Harris, McGarty, Hutchison, Ells & Hankey, 2017). Différents protocoles sont retrouvés dans la littérature :

  • Jeûne alterné (ADF for alternate day fasting) : un jour nourri, un jour de jeûne (Varady, 2011)
  • Régime 5:2 : 5 jours nourris, 2 jours de jeûne (consécutifs ou non) (Malinowski et al., 2019)
  • Régime 4:3 : 4 jours nourris, 3 jours de jeûne (consécutifs ou non) (Malinowski et al., 2019)
  • Jeûne périodique : restriction calorique pendant plusieurs jours consécutifs (>5 jours), suivi de tous les autres jours sans restriction. Par exemple, une semaine ON alternée d’une semaine OFF (Headland, Clifton & Keogh, 2018)
  • Alimentation limitée dans le temps (TRE for time-restricted eating) : la prise de nourriture est autorisée pendant un nombre limité d’heures chaque jour, sans rien consommer pendant les autres heures. Les variantes les plus courantes sont les 16/8 (=16h de jeûne/8h de prise alimentaire autorisée), 18/6 et 20/4 (Johnstone, 2015).

Selon plusieurs études, le jeûne intermittent s’est avéré être bénéfique chez les personnes en surpoids ou en situation d’obésité pour la perte de poids et plusieurs paramètres métaboliques tels que les triglycérides sanguins, le glucose plasmatique, l’insuline, le cholestérol sanguin, et bien d’autres paramètres permettant de mesurer le risque cardiovasculaire.

Néanmoins, comparé aux groupes contrôle qui mettaient en place un régime alimentaire selon les recommandations actuelles (soit une restriction calorique journalière mais légère jusqu’à 25% de déficit énergétique) et lorsque les régimes étaient iso-caloriques, les résultats étaient soit similaires soit contradictoires d’une étude à l’autre. Il n’est donc pas possible d’affirmer que le jeûne intermittent est plus efficace que le régime traditionnel, néanmoins il est possible d’affirmer qu’il fonctionne lorsque le déficit énergétique est contrôlé.

La question sur l’adhérence et la durabilité du jeûne intermittent est également intéressante. Ici encore, certain.e.s participant.e.s ont trouvé plus facile d’adhérer au jeûne intermittent puisqu’il s’agissait d’une restriction sur certains jours seulement, suivi d’une période sans restriction, en comparaison du régime traditionnel où la restriction était quotidienne bien que légère. Pour d’autres participant.e.s, il était trop difficile de suivre une telle restriction calorique. Les études menées jusqu’à ce jour sont des interventions de court- à moyen-terme, mais en se basant sur les témoignages des participant.e.s, le jeûne intermittent ne serait pas une solution à long terme à envisager pour perdre du poids et peut augmenter le risque de développer (ou aggraver) des troubles du comportement alimentaire (Durrer Schutz et al., 2019).

Conclusion

En résumé, chez les personnes en situation de surpoids et obésité sans pathologies associées, le jeûne intermittent est une stratégie qui peut permettre une perte de poids (à condition qu’il y ait un déficit énergétique) et une amélioration des paramètres sanguins cardiovasculaires mais n’est pas plus efficace qu’un régime alimentaire traditionnel consistant à réduire l’apport calorique quotidiennement. Etant donné qu’il manque encore des données sur le jeûne intermittent, en particulier sur la durabilité et les changements du comportement alimentaire qui pourraient être induits, il est recommandé d’avoir un suivi médical ou un accompagnement par un/e diététicien/ne afin d’éviter tous types de carences nutritionnelles. Ces études montrent également l’importance d’individualiser la stratégie nutritionnelle afin que l’alimentation puisse correspondre au rythme de vie et aux habitudes alimentaires et sociales de chaque personne.

REFERENCES:

  • Alhamdan, B. A., Garcia-Alvarez, A., Alzahrnai, A. H., Karanxha, J., Stretchberry, D. R., Contrera, K. J., … Cheskin, L. J. (2016). Alternate-day versus daily energy restriction diets: Which is more effective for weight loss? A systematic review and meta-analysis: Alternate-day fasting versus daily energy restriction. Obesity Science & Practice, 2(3), 293–302. doi:10.1002/osp4.52
  • Durrer Schutz, D., Busetto, L., Dicker, D., Farpour-Lambert, N., Pryke, R., Toplak, H., … Schutz, Y. (2019). European Practical and Patient-Centred Guidelines for Adult Obesity Management in Primary Care. Obesity Facts, 12(1), 40–66. doi:10.1159/000496183
  • Harris, L., McGarty, A., Hutchison, L., Ells, L., & Hankey, C. (2018). Short-term intermittent energy restriction interventions for weight management: A systematic review and meta-analysis: Daily Intermittent Energy Restriction. Obesity Reviews, 19(1), 1–13. doi:10.1111/obr.12593
  • Headland, M. L., Clifton, P. M., & Keogh, J. B. (2019). Effect of intermittent compared to continuous energy restriction on weight loss and weight maintenance after 12 months in healthy overweight or obese adults. International Journal of Obesity, 43(10), 2028–2036. https://doi.org/10.1038/s41366-018-0247-2
  • Headland, M., Clifton, P., Carter, S., & Keogh, J. (2016). Weight-Loss Outcomes: A Systematic Review and Meta-Analysis of Intermittent Energy Restriction Trials Lasting a Minimum of 6 Months. Nutrients, 8(6), 354. doi:10.3390/nu8060354
  • Johnstone, A. (2015). Fasting for weight loss: An effective strategy or latest dieting trend? International Journal of Obesity, 39(5), 727–733. https://doi.org/10.1038/ijo.2014.214
  • Longo, V. D., & Mattson, M. P. (2014). Fasting: Molecular Mechanisms and Clinical Applications. Cell Metabolism, 19(2), 181–192. doi:10.1016/j.cmet.2013.12.008
  • Magkos, F., Fraterrigo, G., Yoshino, J., Luecking, C., Kirbach, K., Kelly, S. C., … Klein, S. (2016). Effects of Moderate and Subsequent Progressive Weight Loss on Metabolic Function and Adipose Tissue Biology in Humans with Obesity. Cell Metabolism, 23(4), 591–601. doi:10.1016/j.cmet.2016.02.005
  • Malinowski, B., Zalewska, K., Węsierska, A., Sokołowska, M. M., Socha, M., Liczner, G., … Wiciński, M. (2019). Intermittent Fasting in Cardiovascular Disorders—An Overview. Nutrients, 11(3), 673. doi:10.3390/nu11030673
  • Ryan, D. H., & Yockey, S. R. (2017). Weight Loss and Improvement in Comorbidity: Differences at 5%, 10%, 15%, and Over. Current Obesity Reports, 6(2), 187–194. doi:10.1007/s13679-017-0262-y
  • Varady, K. A. (2011). Intermittent versus daily calorie restriction: Which diet regimen is more effective for weight loss? Weight loss by calorie restriction diets. Obesity Reviews, 12(7), e593–e601. doi:10.1111/j.1467-789X.2011.00873.x

Roberto Amadio, diététicien