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immersion en eau froide

Cher lecteur,

Tout d’abord bienvenu sur le blog Enmouvement – Oui, il ressort du placard en même temps que les bonnes résolutions du début d’année… J’ai le plaisir de t’annoncer le lancement de notre rubrique « santé », rubrique qui abordera chaque mois les thématiques récurrentes des patients du Centre. L’idée est de porter un regard critique sur tout cela, de démêler les données scientifiques des vérités un peu trop générales et autres croyances célestes. Voilà pour la présentation ! Sans plus tarder, le premier sujet de cette rubrique « santé » : Intérêt de l’immersion en eau froide. Bonne lecture.

Quelle drôle d’idée que d’aller se baigner dans le lac en plein hiver… Et pourtant !

On connait tous cette personne qui profite du mois de février pour taper ses meilleures brasses dans le Léman, alors que de notre côté, on le passe calfeutré, les pieds dans nos chaufferettes. Force est de constater que cette personne n’est plus seule, tant la pratique gagne en popularité ces dernières années (7). Cependant, le principe de s’immerger dans de l’eau froide à des fins thérapeutiques ne date pas d’hier ; Hippocrate (considéré comme le père de la médecine moderne) l’utilisait déjà dans le traitement de certaines maladies, quelques siècles avant JC (1). Cette pratique devenue presque tendance est aujourd’hui relayée par le sport de haut niveau, contribuant de son accessibilité à sa démocratisation. Mais qu’en est il vraiment ? Je te propose, cher lecteur, plusieurs analyses pour essayer d’y voir plus clair.

1. L’immersion en eau froide accélère-t-elle la récupération sportive ?

Cette hypothèse se base sur deux principes :

  • L’eau a un effet compressif sur le corps, ce qui augmente la pression exercée au niveau des membres, stimulant ainsi le retour veineux et lymphatique vers la circulation centrale (par augmentation du gradient de pression).
  • L’eau a un effet thermo-conducteur (25x supérieur à celui de l’air), ce qui permet de réguler plus rapidement la température corporelle (augmentée par la sport). Le froid stimule le système nerveux, provocant d’abord un effet de vasoconstriction (le diamètre des vaisseaux sanguins diminue) puis de vasodilatation (le diamètre des vaisseaux sanguins augmente) ; cela favorise également les pertes de chaleur (7).

Les connaissances scientifiques actuelles sont désormais unanimes : les bénéfices consécutifs à une immersion en eau froide sont à mettre en relation avec le sport pratiqué (5 ; 7 ; 10). Si les sports d’endurance bénéficient largement des effets cités ci-dessus – dans leur affinité à soulager le stress cardiaque (idée d’avoir la tension dans les chaussettes) et limiter la cascade neurophysiologique liée à un corps encore chaud comme la braise -, la cryothérapie serait contreproductive après des sports de force. En effet, une récente étude a démontré que la vasoconstriction réactive limiterait l’absorption de nutriments par les muscles sollicités (tels que l’O2, le glucose et certains acides aminés) (5).

Figure 1 : Amélioration de la récupération par soulagement du stress cardiaque

Figure 2 : Amélioration de la récupération par soulagement du système nerveux.

Figure 3 : Amélioration de la récupération par stimulation du retour veineux/lymphatique.

Abréviations : BF – Blood Flow ; CBV – Central Blood volume ; CNS – Central Nervous System ; CVP – Central Venous Pressure ; Tc – Core temperature ; RPE – Rated Perceived Exertion

Les 3 figures ci-dessus sont issues de : Ihsan m., Watson G. & Abbiss C. What are the Physiological Mechanisms for Post-Exercise Cold Water Immersion in the Recovery from Prolonged Endurance and Intermittent Exercise? (2016). Sports Medicine. 46(8):1095-109. doi: 10.1007/s40279-016-0483-3

2. L’immersion en eau froide diminue-t-elle les tensions musculaires ?

Le contact de l’eau froide avec la peau provoque certaines adaptations du système nerveux. Elle affecte autant la voie motrice descendante (par inhibition de la production d’acétylcholine, hormone responsable de la contraction musculaire), que la voie ascendante (par l’inhibition de la conduction nerveuse, et donc des messages nociceptifs douloureux). On peut donc effectivement avoir le sentiment se sentir plus léger, plus libre après s’être baignée dans le lac (4).

3. L’immersion en eau froide permet-elle d’éliminer les toxines ?

L’exercice physique augmente la dépense énergétique globale. Cela se traduit par des échanges intracellulaires augmentés (pour subvenir aux besoins), et donc par une libération de métabolites croissante. Ces substances (lactates et autres marqueurs de l’inflammation) transitent par la circulation sanguine avant d’être éliminés par les organes compétentes (foie, reins et bile principalement). Cependant, l’immersion en eau froide intervient peu dans ce processus, puisque les organes en question réduisent également leur processus de clairance (élimination). De même, une immersion régulière en eau froide ne participerait pas à une amélioration de l’immunité (7 ; 8).

4. L’immersion en eau froide permet-elle de bruler les graisses ?

L’activation du système nerveux sympathique est impliquée dans la lipolyse des graisses brunes. Il semblerait que les personnes adeptes de bains d’hiver présentent un meilleur ratio ApoB/ApoA-1 (inversément proportionnel au BMI), une sensibilité accrue des récepteurs à l’insuline et une diminution de la concentration en homocystéine (hormone corrélée au risque d’artériosclérose). Ces observations sont plus importantes chez les femmes que chez les hommes – puisqu’elles seraient plus sensibles au changement de température corporelle -, surtout dans la phase de pré-ménopause (période de dérèglement hormonal) (2 ; 6). De plus amples recherches sont toutefois nécessaires pour valider ces hypothèses.

5. L’immersion en eau froide améliore-t-elle l’état mental ?

Le postulat est ici volontairement large. Le fait de s’immerger dans une eau froide est intuitivement perçu comme quelque chose de désagréable. Pourtant, cela permettrait d’activer certaines zones cérébrales et de libérer une dose certaine de neurostimulants au niveau cortical (béta-endorphine et noradrénaline), dont l’effet serait semblable à celui de la caféine. Les bénéfices sont avant tout liés à la température de l’eau, signe que les douches froides ont aussi la capacité de nous booster au petit matin. De même, le sentiment d’auto-accomplissement stimule le circuit de la récompense jusqu’à, dans certains cas, ne plus pouvoir s’en passer (1).

Une récente étude s’est penchée sur l’intérêt de l’immersion en eau froide dans le cas de dépression. Il semblerait que les personnes atteintes de dépression souffriraient d’un manque de stress physiologique, stress bénéfique à l’émancipation du cerveau (9). En d’autres termes, une zone de confort trop confortable qui nous fait oublier comment s’adapter au monde extérieur ; l’immersion en eau froide est alors toute trouvée.

Alors comment qu’on fait ?

Si concrètement il te suffit juste d’enfiler ton maillot de bain et de prendre ton courage à deux mains, je me permets, cher lecteur, de te donner quelques conseils pratiques.

  • L’immersion déraisonnée en eau froide peut comporter des risques. Il est important de s’y confronter progressivement (en terme d’immersion, de durée et de température) et surtout de s’écouter ! Si c’est trop froid, c’est trop froid. Même si on est en bonne santé ; on n’est pas tous des Wim-Hof nés. Ah oui ! Pensez à prendre un bonnet de bain (pour limiter les pertes de chaleur au niveau de la tête) et des habits chauds pour l’après (7) !
  • Les personnes atteintes de maladies cardiovasculaires, respiratoires, neurologiques et endocrines sont invitées à consulter un médecin au préalable (7) .
  • Alcool et eau froide ne font pas bon ménage. Non, l’alcool ne réchauffe pas.
  • L’immersion en eau froide est optimale lorsque la température de l’eau se situe entre 10 et 20 degrés (la température du lac ce jour est de 6 degrés) pour une durée d’immersion comprise entre 10 et 20 minutes (10). La règle du « une minute par degrés », bien que très empirique, a le mérite de servir de repère. Restez Enmouvement, ça fera passer le temps plus vite.

Liste des références :

  1. Buijze G., Sierevelt I., Van der Hejden B., Dijgraaf M. & Frings-Dresen M. The Effect of Cold Showering on Health and Work: A Randomized Controlled Trial (2016). PLOS ONE Editors. 15 ;11(9). doi : 1371/journal.pone.0161749
  2. Checinska-Macijewska Z. & et al. Gender-related effect of cold water swimming on the seasonal changes in lipid profile, ApoB/ApoA-I ratio, and homocysteine concentration in cold water swimmers (2017). Journal of Physiology and Pharmacology. 68(6):887-896
  3. Checinska-Macijewska Z. & et al. Regular cold water swimming during winter time affects resting hematological parameters and serum erythropoietin (2019). Journal of Physiology and Pharmacology. 70(5). doi: 10.26402/jpp.2019.5.10
  4. Flauzino Machado A. & al. Can Water Temperature and Immersion Time Influence the Effect of Cold Water Immersion on Muscle Soreness? A Systematic Review and Meta-Analysis (2016). Sports medicine. 46(4):503-14. doi: 10.1007/s40279-015-0431-7
  5. Fuchs et al. Postexercise cooling impairs muscle protein synthesis rates in recreational athletes (2019). The Journal of Physiology. 598(4):755-772.doi: 10.1113/JP278996
  6. Gibas-Dorna M. Variations in leptin and insulin levels within one swimming season in non-obese female cold water swimmers (2016). Scandinavian Journal of clinical and laboratory investigation. 76(6):486-91. doi: 10.1080/00365513.2016.1201851
  7. Ihsan m., Watson G. & Abbiss C. What are the Physiological Mechanisms for Post-Exercise Cold Water Immersion in the Recovery from Prolonged Endurance and Intermittent Exercise? (2016). Sports Medicine. 46(8):1095-109. doi: 10.1007/s40279-016-0483-3
  8. Peake J. & al. The effects of cold water immersion and active recovery on inflammation and cell stress responses in human skeletal muscle after resistance exercise (2017). The Journal of Physiology. 595(3):695-711. doi: 10.1113/JP272881
  9. Schevchuk Nikolai A. Adapted cold shower as a potential treatment for depression (2008). Med Hypothesis. 70(5):995-1001. doi: 10.1016/j.mehy.2007.04.052
  10. Stephens J., Halson S., Slater G. & Askew C. Cold-Water Immersion for Athletic Recovery: One Size Does Not Fit All (2017). International Journal of Sports Physiology and Performance. 12(1):2-9. doi: 10.1123/ijspp.2016-0095